vendredi 18 février 2011

Des pesticides agricoles à plus d'1km du lieu de pulvérisation

Une nouvelle étude1 scientifique montre que les pesticides agricoles utilisés dans un rayon de 1250 mètres autour d’habitations finissent par contaminer l’intérieur de ces maisons !

Générations Futures appelle le Ministre de l’Agriculture et la profession agricole à se mobiliser pour limiter au maximum cette contamination généralisée des populations rurales.

L’étude : Une équipe de scientifiques américains conduite par Mary H. Ward, du National Cancer Institute, a cherché à savoir d’où provenaient les résidus de pesticides trouvés dans les moquettes et tapis de résidences. Pour cela ils ont collecté des échantillons de poussières dans les moquettes et tapis de 89 résidences en Californie et ont ensuite analysé les résidus de 7 pesticides très utilisés en agriculture (carbaryl, chlorpyrifos, chlorthal-dimethyl, diazinon, iprodione, phosmet et simazine). Ils ont ensuite dressé la carte des cultures dans un rayon de 1250 m autour de ces résidences et calculé l’intensité de l’usage de ces pesticides dans un rayon de 500 m et 1250 m autour des résidences étudiées durant 3 périodes de temps différentes avant le prélèvement des poussières : 180 jours, 365 jours et 730 jours. Enfin ils ont cherché les éventuelles relations entre l’usage estimé des pesticides et les concentrations de pesticides dans les moquettes/tapis.

Résultats : En cas d’usage de pesticides agricoles dans un rayon de 1250 m autour des habitations durant les 365 jours précédents le prélèvement de poussières, les échantillons présentaient des concentrations de pesticides significativement plus élevées que dans les maisons autour desquelles il n’y avait pas eu d’usage de pesticides agricoles, pour 5 des pesticides étudiés (chlorpyrifos, chlorthal-dimethyl, iprodione, phosmet et simazine). La corrélation la plus forte avec les concentrations de pesticides dans les moquettes était généralement pour un usage de pesticides agricoles dans un rayon de 1250 mètres autour des habitations durant les 730 jours précédents. L’utilisation domestique ou professionnelle des pesticides par les habitants n’avait dans cette étude qu’un impact mineur sur la variabilité de la concentration des pesticides retrouvés (de 4 à 28% seulement). Les auteurs concluent que l’usage des pesticides agricoles aux alentours de ces résidences est un déterminant significatif pour la présence de ces 5 pesticides dans les moquettes /tapis de ces maisons.

Nos commentaires : Cette étude montre que l’utilisation de pesticides agricoles, dont certains sont soupçonnés d’être cancérigènes, a un impact sur la contamination des habitations avoisinantes, et donc de l’air que respirent chaque jour leurs habitants, dans un rayon (1250m) bien plus important qu’on ne le pensait auparavant, une précédente étude (2) ayant montré un impact dans un rayon de 750 mètres seulement. Ces résultats sont très importants. Ils nous montrent qu’il faut absolument conserver l’arrêté du 12 septembre 2006 qui prévoit dans son article 2 que les pesticides « ne peuvent être utilisés en pulvérisation…que si le vent à un degré d’intensité inférieur ou égal à 3 sur l’échelle de Beaufort » (19km/h) afin de limiter leurs dispersion dans le voisinage et la contamination des riverains. Cet arrêté est en effet contesté par la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits (FNPF), après le récent procès (3) de trois pomiculteurs de la région de Brive accusés d’avoir utilisé des pesticides par vent fort, dont le verdict a été mis en délibéré au 10 mars.

«Il faut à la fois conserver cet arrêté, unique et mince protection contre la contamination par les pesticides agricoles dont disposent les riverains des zones de cultures, et relancer la dynamique du plan Ecophyto 2018 qui prévoit la réduction de 50% des pesticides en 10 ans» déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. «Au lieu de vouloir nier les conséquences environnementales de l’usage immodéré des pesticides, le monde agricole devrait enfin accepter, alors que s’ouvre le Salon de l’Agriculture, que nous sommes face à un vrai problème de santé publique et que nous devons, ensemble, chercher à mettre en œuvre des formes d’agricultures moins dépendantes des pesticides, afin de respecter au mieux la santé des utilisateurs eux-mêmes, et celles des consommateurs et des riverains.» Ajoute t’il.

1 : Gunier RB, Ward MH, Airola M, Bell EM, Colt J, Nishioka M, et al. 2011. Determinants of Agricultural Pesticide Concentrations in Carpet Dust. Environ Health Perspect http://ehp03.niehs.nih.gov/article/fetchArticle.action?articleURI=info%3Adoi%2F10.1289%2Fehp.1002532

2 : Ward MH, Lubin, et al. 2006. Proximity to crops and residential exposure to agricultural herbicides in Iowa. Environ Health Perspect 114:893-897.

3 : http://www.romandie.com/infos/news2/110113173751.9blevpnr.asp


mercredi 16 février 2011

Problèmes d’infertilité masculine : le potentiel anti androgénique de nombreux pesticides pourrait bien être sous estimé !

Une nouvelle étude(1) publiée dans la revue Environmental Health Perspectives révèle que des pesticides auxquels la population européenne est exposée, et préalablement non soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens, sont en fait des anti-androgènes et menaceraient potentiellement la fertilité masculine!

L’étude : Les scientifiques, de l’Université de Londres, ont d’abord sélectionnés les 134 pesticides auxquels la population européenne avait le plus de risque d’être exposée. Ils ont ensuite sélectionnés 37 de ces pesticides selon un modèle scientifique prédictif. Ils ont enfin testé in vitro ces pesticides pour rechercher un éventuel effet antagoniste avec les récepteurs androgènes.

Résultats :

- 14 de ces pesticides préalablement connus pour être des anti-androgènes ont été confirmés anti-androgènes par ces tests in vitro.

- 9 pesticides préalablement non testés pour leur propriétés anti androgènes se sont révélé posséder des propriétés anti androgènes in vitro. Ces pesticides sont : dimethomorphe, fenhexamide, quinoxyfene, cyprodinil, λ-cyhalothrin, pyrimethanil,fludioxonil, azinphos-methyl, pirimiphos-methyl. Tous ces pesticides sont encore autorisés en France et en Europe, sauf l’azinphos-methyl.

- De plus, 7 pesticides ont montré des effets androgéniques.

Conclusions de l’étude : L’évaluation des effets des pesticides sur la fertilité masculine souffre d’un manque de données important. Il conviendrait ainsi de faire du biomonitoring humain et des études in vivo pour compléter les données de cette étude. Les scientifiques insistent aussi sur le cas des fongicides qui, employés en mélange avant la récolte peuvent engendrer une exposition considérable des consommateurs à ces pesticides anti androgènes.

Commentaires de Générations Futures : Cette étude montre que l’évaluation du risque de l’exposition à des pesticides pour la fertilité masculine est très déficiente. Pourtant les auteurs rappellent que nombre d’études lient le Syndrome de Dysgénésie Testiculaire(2) (qui associe hypospadias, cryptorchidisme, baisse de qualité du sperme et cancer du testicule chez l’adulte) à une exposition prénatale aux pesticides. Le manque de connaissances sur les effets anti-androgènes des pesticides que met en évidence cette étude est donc très inquiétant. Il y a bien sûr lieu de réaliser des études de biomonitoring humain et des études in vivo, comme le suggèrent les auteurs, mais pas seulement.

« A quelques heures de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, ces nouvelles données doivent nous alerter sur les dangers que les pesticides font peser sur la santé des consommateurs et des utilisateurs de pesticides, au premier rang desquels les agriculteurs eux-mêmes. »déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. « Cette étude rappelle l’urgence de réduire rapidement la dépendance de notre agriculture aux pesticides. L’environnement ça ne ‘commence (pas) à bien faire’, comme le disait il y a un an le Président de la République au Salon de l’Agriculture. Au contraire, il faut réaffirmer les objectifs du Grenelle en matière de réduction de l’usage des pesticides et également exclure au plus vite les pesticides perturbateurs endocriniens, comme le prévoit la nouvelle législation européenne. » Ajoute t’il.

Pour rappel l’étude ‘Menus Toxiques’(http://www.menustoxiques.fr ) publiée en fin 2010 par Générations Futures montrait la présence de 12 pesticides perturbateurs endocriniens dans les repas d’une journée d’un enfant. En incluant les résultats de cette étude, ce sont 9 pesticides supplémentaires considérés perturbateurs endocriniens qui ont été trouvés dans ces menus, portant le total à 21 pesticides perturbateurs endocriniens ingérés par un enfant la même journée !

1. Orton F, Rosivatz E, Scholze M, Kortenkamp A 2011. Widely Used Pesticides with Previously Unknown Endocrine Activity Revealed as in Vitro Anti-Androgens. Environ Health Perspect http://ehp03.niehs.nih.gov/article/fetchArticle.action?articleURI=info%3Adoi%2F10.1289%2Fehp.1002895

2. Skakkebaek NE, Rajpert-De Meyts E, Main KM. 2001. Testicular dysgenesis syndrome: an increasingly common developmental disorder with environmental aspects. Apmis 109: S22-S28.